Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

cancers

Fin de vie : nous ne serons pas les professionnels du « secourisme à l’envers » !

Publié le par Bernard Pradines

Partager cet article
Repost0

Euthanasie : «Cessons d’instrumentaliser la souffrance des malades qui demandent à vivre»

Publié le par Bernard Pradines

Un article écrit par des malades en avril 2023.

« On commet une tragique erreur quand on s’imagine que cette loi n’enlèverait rien à personne. »

FIGAROVOX/TRIBUNE - Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse, touchés par une grave maladie, appellent à refuser l’euthanasie. Selon eux, les bien-portants qui plaident pour un «droit de mourir dans la dignité» ne se rendent pas compte des conséquences de ce choix de société.

Christophe Régnier est ancien professeur de classe préparatoire à Henri IV et Condorcet. Il cosigne ce texte avec Françoise Bourlière et Christèle Périsse. Tous les trois sont touchés par la maladie.

La Convention citoyenne sur la fin de vie vient de se prononcer. Nous, malades, prenons la parole en faveur des soins palliatifs et d’accompagnement, qui soulagent la douleur, et appelons à refuser l’euthanasie (ou sa version préliminaire, le suicide assisté), parce qu’elle accroîtrait, au lieu de les réduire, la souffrance et l’injustice. Nous avons l’expérience de la maladie, nous savons combien dès l’annonce du diagnostic autre chose commence et qui n’est pas ce qu’on croit. Nous savons ce qui aide le malade et ce qui lui nuit. Lanceurs d’alerte, nous mettons en garde contre la double mystification qui pèse sur le débat : le problème tel qu’il est posé exprime une méconnaissance de bien-portant, et sa présentation dissimule la réalité économique.

On parle d’un «droit de mourir dans la dignité». Ceux qui parlent ainsi ne sont pas amis des malades. Cela revient à dire à ceux qui souffrent : vivre dans votre état est indigne, ayez la dignité de mourir. Entendons Philippe Pozzo di Borgo, modèle du film Intouchables : «Vous ne vous rendez pas compte du désastre que provoque chez les personnes qui se débattent avec des vies difficiles votre soutien à l’euthanasie ou au suicide assisté comme des morts «libres, dignes et courageuses».

Quand vous serez très malades, un désir de vivre qui exprime la vie et non la peur de la mort vous fera accepter des peines dont le bien-portant s’imagine qu’il leur préférerait la mort.

Les faits incontestés sont que presque personne n’a envie de mourir, jeune ou vieux, malade ou bien-portant, et les malades moins que les autres, figurez-vous, car la maladie mortelle est une puissante incitation positive à vivre, qu’il ne faut pas ramener à la peur de la mort, alors que le bienportant, s’imaginant que la maladie est tout le contraire de la vie, déclare parfois, de loin, qu’il lui préférera la mort. Le prétendre n’est pas plus sérieux que ces gens jeunes qui déclarent ne pas souhaiter vieillir. Quand vous serez très malades, un désir de vivre qui exprime la vie et non la peur de la mort vous fera accepter des peines dont le bien-portant s’imagine qu’il leur préférerait la mort.

Comprenez que lorsque le malade déclare : «Je n’en peux plus, je voudrais mourir», ce langage indirect est pour lui la seule façon de dire «vous me laissez trop seul», «tu ne viens pas me voir assez souvent», «est-ce que tu tiens à moi?». La loi qu’on prépare lui fera rentrer ces paroles dans la gorge et, en le forçant à ce choix faussement libre qu’il ne demande pas, l’enfermera dans la solitude.

L’euthanasie ne sera pas obligatoire, mais la situation du malade dépendant sera renversée : nous aurons à justifier notre volonté de vivre, devant nous-mêmes comme devant notre famille et la société. Demander à vivre deviendra égoïste, vouloir vivre sera se mettre dans son tort.

On répond à côté de la question lorsqu’on s’imagine, en bien-portant ignorant des parages de la mort et de ce qu’ils révèlent au malade, que le seul motif du désespoir serait la souffrance, alors que l’abandon devant la mort est lui-même une nouvelle souffrance et le plus souvent beaucoup plus grande.

Non seulement cela enfermera dans la solitude et l’angoisse, mais cela raccourcira la vie. La deuxième mystification consiste en effet à placer le débat sur le terrain des seuls droits individuels, comme s’il s’agissait de se donner contre la souffrance une assurance individuelle supplémentaire, toujours bonne à prendre quitte à ne pas l’utiliser. Ce faux choix sera balayé par la réalité économique, car les soins palliatifs coûtent cher et l’euthanasie presque rien, alors que l’allongement de la vie promet une multiplication des cancers et de l’Alzheimer. On prend les gens pour des sots : on manque déjà de médecins dans les déserts médicaux (qui incluent les villes), et ils auraient accès aux soins palliatifs qui supposent des hôpitaux ou du personnel médical passant au domicile pendant des semaines ? Un quart seulement du territoire est couvert en soins palliatifs, 26 départements n’en avaient pas en 2021.

Le rapport Sicard de 2012 comme le témoignage capital de Theo Boer, promoteur de l’euthanasie en Hollande et qui le regrette aujourd’hui, nous avertissent du dynamisme irrésistible de l’euthanasie bien au-delà de l’intention initiale de ses partisans, une fois transgressé l’interdit de tuer, et même en cas de développement parallèle des soins palliatifs. Si un tel développement avait précédé, dit le professeur néerlandais d’éthique de la santé à l’université de Groningue Theo Boer, «je ne suis pas certain que nous aurions légalisé l’euthanasie. On fait apparaître la mort volontaire comme une solution à toutes les souffrances graves.». Et en conséquence, loin de diminuer grâce à la loi, « le taux de suicides violents et traumatisants » (c’est-à-dire non assistés) a augmenté de 27 %, selon un article du journal Le Monde.

La présentation juridique et consumériste du problème est un trompe-l’œil qui cache une fracture sociale. Les privilégiés, quand ils découvriront que le désir de vivre résiste ou grandit avec l’avancée de la maladie, auront seuls accès aux soins palliatifs, aux dépens des pauvres qui, eux, n’auront que le poison. On aimerait qu’il y ait davantage de monde pour le dire.

L’unique solution humaine et digne est une loi de développement massif des soins palliatifs. Elle coûtera cher et exige une volonté politique qui n’existe pas à ce jour.

Et comment croire que les soignants surmenés pourront mettre la même énergie à lutter pied à pied pour les malades condamnés ? La clause de conscience ne sera concédée que sous condition de l’accomplissement de l’acte par un autre. Des jeunes désireux de soigner renonceront à ces métiers, et la qualité du recrutement faiblira. Les malades auront de plus en plus devant eux des médecins cyniques (ils existent) à qui il sera égal de faire vivre ou mourir. On aura changé les soignants en exécuteurs.

On commet une tragique erreur quand on s’imagine que cette loi n’enlèverait rien à personne. En s’alignant sur la représentation de bien-portants inquiets pour leurs vieux jours, on instrumentalise la souffrance des malades qui demandent à vivre et non à mourir. En militant aujourd’hui pour l’euthanasie, des bien-portants nous nuisent et nuisent aux malades qu’ils seront demain. La défense des malades et celle des soignants ne font qu’une, unissons-nous pour l’exercer. L’unique solution humaine et digne est une loi de développement massif des soins palliatifs. Elle coûtera cher et exige une volonté politique qui n’existe pas à ce jour.

Commentaires personnels (Bernard Pradines). Je n'ai pas de commentaire de fond sur cet article dont je partage l'analyse et la synthèse. Dans la forme, il faudrait écrire "Un quart seulement du territoire est couvert en soins palliatifs, 26 départements n’en avaient pas d'Unité de Soins Palliatifs en 2021. au lieu de "Un quart seulement du territoire est couvert en soins palliatifs, 26 départements n’en avaient pas en 2021".

Partager cet article
Repost0

1 2 3 4 5 > >>