Fin de vie : l’expérience des soignants doit être entendue

Publié le par Bernard Pradines

Le Président de la République récemment réélu a indiqué dans son programme sa volonté de mettre en œuvre une convention citoyenne sur la fin de vie. Cette modalité de dialogue citoyen doit permettre de saisir les enjeux et les complexités d’un sujet qui nous touche tous. Comme soignants, la fin de vie nous concerne tout particulièrement, que nous exercions à l’hôpital, à domicile, dans les EHPAD ou dans toute autre structure médico-sociale directement concernée. 

Ce projet de convention citoyenne nous interpelle et nous oblige. Notre responsabilité vis-à-vis de la société française et de ses représentants élus est de nous y engager le plus sérieusement possible. Notre présence quotidienne auprès des personnes malades et de leurs proches fonde notre légitimité. Nous voulons participer à ce débat pour l’enrichir de notre expérience et des questionnements éthiques auxquels nous sommes confrontés. Ces questionnements concernent aussi directement nos patients et la relation que nous entretenons avec eux. Nous souhaitons explorer et partager les conséquences éthiques et déontologiques qu’une potentielle évolution législative pourrait avoir sur nos métiers de soignants. En tant qu’organisations représentatives des principales professions médicales et paramédicales impliquées dans l’accompagnement en fin de vie, nous estimons que notre contribution collective est dès maintenant nécessaire afin qu’un tel débat évite deux écueils.

Le premier est relatif au caractère politique de ce débat sur la fin de vie, entraînant un fort risque de polarisation sur la question de l’euthanasie, en totale contradiction avec les réalités vécues auprès des patients. Chaque situation est singulière, chaque fin de vie touche à des réalités complexes propres à l’état clinique de la personne mais également à son histoire, à son état d’esprit, à ses convictions personnelles, à son sentiment de soutien par l’entourage ou encore à la qualité de la prise en charge médicale antérieure. Réduire cette complexité à un affrontement entre un pour et un contre, entre un progrès et un recul reviendrait à enfermer le sujet de la fin de vie dans une dialectique politique mortifère. Cela n’a rien à voir avec l’expérience quotidienne que nous avons.

Le second a trait à la situation actuelle du monde médical au cœur de cette réflexion. Alors que l’ensemble du monde médical est aujourd’hui profondément sous tension et que la dégradation de l’offre de soins en ville et à l’hôpital risque de s’accélérer dans les prochains mois, nous pensons qu’il est extrêmement dangereux de s’aventurer dans une remise en cause fondamentale du contrat de soins qui nous unit aux patients. Dans ce contexte difficile, entendre la parole des soignants à qui l’on pourrait demander des transformations majeures des conditions dans lesquelles ils accompagnent les personnes en fin de vie nous semble absolument indispensable. 

Est-il possible de considérer comme un soin le fait de donner ou de prescrire la mort ? Peut-on considérer un tel changement comme un simple détail, ou au contraire comme une transformation significative de nos métiers ? Notre engagement quotidien repose sur une motivation profonde qui nous anime plus que tout : la volonté de prendre soin des autres et d’accompagner les personnes malades en respectant à la fois l’obligation du non-acharnement comme la promesse du non-abandon. Cette question du sens et de la relation soignant-soigné, qui pour de multiples raisons provoque aujourd’hui au sein du monde médical et soignant les difficultés de recrutement et de motivation que nous connaissons, ne peut être évacuée du débat.

Professionnels de tous les métiers du soin et de l’accompagnement, nous sommes également des citoyennes et des citoyens engagés dans le débat public, surtout lorsque celui-ci concerne directement notre vocation professionnelle et les patients dont nous avons la responsabilité.

Pour ces raisons, nous choisissons d’engager dès maintenant un travail commun afin de partager ensuite avec nos concitoyens nos réflexions sur l’accompagnement des patients en fin de vie, ainsi que les incidences qu’une éventuelle évolution législative pourrait avoir sur nos métiers.

  • Dr.Claire Fourcade, Présidente et Dr Emmanuel de Larivière, membre du bureau de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP)
  • Pr. Pierre-François Perrigault, Président du Comité d'Ethique de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR)
  • Pr. Olivier Lesieur, Président du comité d’éthique de la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF)
  • Dr. Gaël Durel, Vice-Président et Dr. Monique Girard, membre du bureau de l’Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad (MCOOR) et du médico-social
  • Pr Claude Desnuelle, Vice-Président de l’Association pour la Recherche sur la SLA (ARSLA)
  • Evelyne Malaquin Pavan, Présidente du Collège professionnel infirmier
  • Pr Ivan Krakowski, Président de l'Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support (AFSOS)
  • Elisabeth Hubert, Présidente de la Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation à Domicile (FNEHAD)
  • Pr Carole Bouleuc et Pr.Gisèle Chvetzoff, groupe soins palliatifs de la Fédération des Centres de Lutte contre le Cancer UNICANCER 
  • Dr Matthias Schell, Président de la Société française de Soins Palliatifs Pédiatriques (2SPP)

 

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